
QUI ÉTAIT LE PLUS GRAND DINOSAURE MARIN ?
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Les dinosaures marins sont des animaux préhistoriques bien moins célèbres que leurs homologues terrestres tels que le tyrannosaure, connu comme étant le plus grand prédateur du Jurassique. Cependant ces animaux marins, anciens prédateurs des océans et des mers, n'en sont pas moins impressionnants. Ils restent cependant assez difficile à découvrir.
Toutefois les restes du plus grand reptile marin préhistorique pourraient encore être cachés dans la nature sauvage reculée de la Colombie-Britannique sans la ténacité de la paléontologue Elizabeth Nicholls.
En effet, après la découverte de ces fossiles par un archéologue dans les rives calcaires de la rivière Sikanni Chief, les scientifiques ont d'abord décidé que ce squelette appartenait à la famille des ichtyosaure, une espèce de vertébrés marins qui ont vécu lors de la période allant du Trias inférieur au Crétacé supérieur.
Le squelette était trop fragile et trop isolé pour pouvoir être extrait et mis au jour. Enfin, le site, territoire privilégié des ours et infesté de moustiques, n'était accessible que pendant quelques semaines d'été par an.
Mais Nicholls avait perçu le caractère exceptionnel de ce squelette, et a commencé une campagne de collecte de fonds pour l'exhumer. Les paléontologues considèrent ses efforts comme l'une des fouilles fossiles les plus ambitieuses jamais entreprises.
« Personne d'autre n'aurait tenté de déterrer quelque chose d'aussi gros », explique Don Brinkman, directeur de la préservation et de la recherche au Royal Tyrrell Museum, où le fossile est maintenant exposé. « Personnellement, je ne pensais pas que nous pouvions faire autre chose que de prendre un échantillon et de documenter son apparence, mais c'est là qu'Elisabeth Nicholls a fait preuve de persévérance. »
Le trajet vers le site a duré 12 heures depuis sa base près de Calgary, suivi d'une randonnée de plus de 2 km. Les équipes de travail ont eu besoin de marteaux-piqueurs et de scies électriques pour découper le squelette enfermé dans la roche de la rive. Les hélicoptères ont transporté le matériel et les équipes de travail pendant les quatre années nécessaires pour venir à bout de l'excavation. « Ça en valait vraiment la peine, car cela a réécrit l'histoire de ce que nous savons sur l'ichtyosaure », a déclaré cette ambitieuse archéologue avant sa mort.
Il est clair que ce squelette de très grande taille de près de 23 mètres de long était bien trop grand par rapport aux ichtyosaures tel que les paléontologues les connaissaient.
Nicholls, conservatrice des reptiles marins au Royal Tyrrell Museum du Canada a nommé ce squelette « sikanniensis » en référence à la montagne et à la rivière toute proche. Il s'agirait donc d'un habitant de l'océan qui ressemblait à la fois à un dauphin, à un requin et à une baleine. Nicholls pense que ces fossiles appartiennent au genre des Shonisaurus de la famille des Ichtyosaures.

Les particularités de Shonisaurus
Des fossiles de Shonisaurus avaient été découverts pour la première fois dans un grand gisement du Nevada en 1920. On ne savait alors pas encore de quelle espèce il s'agissait. Trente ans plus tard, d'autres fouilles sur ce site ont permis de découvrir 37 spécimens de fossiles de très grands ichtyosaures. Ces squelettes ont été nommés Shonisaurus en référence au lézard des montagnes Shoshone. Le genre shonisaurus aurait vécu il y a 216 à 203 millions d'années.
Shonisaurus popularis
Le plus grand dinosaure marin était alors Shonisaurus popularis qui mesurait déjà 15 mètres (50 pieds) de long, ce qui est absolument gigantesque. Il avait une longue bouche pointue qui ne contenait de dents qu'à l'extrémité avant. Il avait un grand corps ressemblant à une baleine, un long museau semblable à celui des dauphins, et ses nageoires étaient beaucoup plus longues et plus étroites que celles d'autres ichtyosaures. Toutes ces caractéristiques suggèrent que Shonisaurus pourrait être une ramification relativement spécialisée de la lignée évolutive principale des ichtyosaures.
Shonisaurus sikanniensis
Le spécimen nommée par Nicholls Shonisaurus sikanniensis est considérablement plus grand que Shonisaurus popularis, avec une longueur estimée à 21 m. Il diffère également de S. popularis par une omoplate en éventail et une colonne vertébrale relativement plus longue. Les dents sont fixées dans les mâchoires, mais ne sont présentes que chez quelques petits individus, ce qui implique que les dents n'étaient présentes que chez les juvéniles et que les adultes étaient édentés.
Son crâne élancé et son manque de dents sauf à l'avant sont des adaptations évidentes dues à son mode d'alimentation, comme ceux des baleines à dents modernes qui se nourrissent de calamars, comme la baleine pilote et le cachalot.
Il a été historiquement représenté avec un corps plutôt rond, mais les études de sa forme corporelle depuis le début des années 1990 ont finalement montré qu'il était beaucoup plus mince qu'on ne le pensait alors que S. popularis avait un corps relativement large.
Comment la taille du Shonisaurus sikanniensis a-t-elle été déterminée ?
Dean Lomax et Judy Massare, des experts en reptiles œuvrant respectivement à l'Université de Manchester au Royaume-Uni et au SUNY Brockport à New York, se sont rendus en Alberta, au Canada, pour examiner le fossile beaucoup plus complet de Shonisaurus sikanniensis découvert en 2004. La comparaison du nouveau fossile avec l'os de la mâchoire de Shonisaurus popularis a révélé que ce nouvel os était 25% plus gros. La mise à l'échelle du corps entier de l'animal a permis à l'équipe d'estimer sa taille, de 85 pieds (26 mètres) environ.
Une fouille ambitieuse qui permet la découverte d'une nouvelle espèce
Nicholls avait été séduite par la paléontologie alors qu'elle n'était encore qu'écolière, mais elle n'était alors pas certaine que le domaine, dominé par les hommes, accueillerait les femmes. Elle a été un modèle pour beaucoup d'archéologues. Le dernier article universitaire de Nicholls, coécrit avec le paléontologue Makoto Manabe, est paru dans le « Journal of Vertebrate Paleontology » deux mois après sa mort. Le Shonisaurus sikanniensis est depuis reconnu en tant que nouvelle espèce, ouvrant de nouveaux domaines dans la recherche évolutive.
L'importance de cette découverte
Dean Lomax affirme que la découverte de ce fossile les a conduits à réinterpréter toute une série d'ossements isolés trouvés près du village d'Aust, dans le Gloucestershire, en Angleterre. Certains fossiles ont été collectés dès 1850, mais ces fragments avaient longtemps été interprétés comme faisant partie d'un membre ou d'autres os de dinosaures terrestres mais pas d'autres espèces. Or, cela n'avait jamais vraiment eu de sens. Les scientifiques ont alors réalisé que ces ossements appartenaient en réalité à des dinosaures marins géants, et peut-être même à des êtres encore plus gros que Shonisaurus sikanniensis...